Diego Melchior, 30 ans, habitant à Paris, est secrétaire régional de la CFDT île-de-France, il nous donne sa vision du travail.
En France, la société nous dit d’aller loin à l’école et d’avoir de nombreux diplômes. Es-tu d’accord avec ça ? Peux-tu nous expliquer ?
Je suis d’accord sur le fait qu’il faut encourager les jeunes à avoir des diplômes et acquérir des compétences. Mais il faut aussi laisser la possibilité aux non-diplômés d’en obtenir pendant leurs carrières professionnelles, afin de les tirer vers le haut et leur permettre d’évoluer.
Je suis contre le fait qu’on discrimine les jeunes non diplômés.
Pour toi est-ce qu’un diplôme valorise plus que l’expérience ? Si non, quels sont les critères pour réussir dans le monde du travail actuel ?
Les compétences et l’expérience devraient être valorisées en premier. Le diplôme est aujourd’hui une sécurité parce qu’il y a du savoir-faire dans les établissements universitaires, les BTS et BAC pro. Mais l’exclusion systématique des recrutements des personnes sans diplôme n’est pas normale.
Pour toi quels sont les critères pour réussir dans le monde du travail actuel ?
Aujourd’hui, un des critères principal : le réseau ! Avant même le diplôme et les compétences. Connaître des gens ça permet de t’ouvrir plus facilement des portes. Ce qui manque aujourd’hui c’est l’accompagnement à la création et l’entretien d’un réseau professionnel.
Comment vois-tu le monde du travail aujourd’hui ? Quelles sont tes ambitions pour ton futur professionnel ?
C’est un monde du travail en pleine évolution, qui marche à plusieurs vitesses avec des points positifs dans certains secteurs qui sont créateurs d’emploi, on a besoin de beaucoup de salariés dans l’aide à la personne et aussi dans le secteur de l’informatique. Mais il y a aussi des secteurs entiers qui ne recrutent plus, qui licencient sans contreparties, sans accompagnement et des jeunes qui ne trouvent pas de travail car on ne leur fait pas confiance. Il reste des opportunités à saisir mais il y a encore des choses sur lesquelles on doit réduire les inégalités.
Quelles sont tes ambitions pour ton futur professionnel ?
En ce qui me concerne je continue à faire du syndicalisme au niveau régional et après je ne m’empêcherais pas de retourner dans le milieu professionnel pour faire ce que je faisais avant, c’est-à-dire du conseil dans les relations sociales et en ressources humaines. Peut-être pas pour des directions d’entreprises comme je le faisais avant mais pour des syndicalistes ou des entreprises d’économie sociale et solidaire.
Avant de rentrer dans la vie active, as-tu connu ce “parcours du combattant” : chômage, stage non payé, CDD ? Peux-tu nous dire un mot sur ta trajectoire professionnelle ?
Non, je ne l’ai pas connu parce que je suis diplômé du supérieur et que la dernière année de mon diplôme était déjà en entreprise. C’est ce qui m’a aidé à trouver tout de suite mon premier job de consultant en ressources humaines. J’ai travaillé presque 1 an en alternance dans une société du CAC 40 où j’ai appris les réflexes du métier. D’ailleurs l’alternance peut aider les jeunes à trouver un premier emploi.
” Il y a une certitude : les jeunes d’aujourd’hui n’ont jamais été aussi qualifiés, ça se voit dans leur niveau d’études, les jeunes n’ont jamais eu autant de compétences, n’ont jamais réussi à innover autant” selon William Martinet ancien Président de L’UNEF dans ”Être jeune en France” sur France 24. Est-ce que tu partages cet avis ?
C’est normal que dans un pays développé comme la France, le niveau de compétence augmente. La question est : est ce qu’on arrive à créer des jobs où il y a du travail ? C’est logique qu’on ait besoin de plus de chercheurs avec des Bac+5, des ingénieurs avec Bac+8 dans des centres de Recherche et Développement en France. Les sites industriels qui recrutaient avant des techniciens ou des niveaux même infra-bac diminuent puisqu’on est un pays qui s’est tertiarisé donc qui recrute surtout de la matière grise. La difficulté aujourd’hui est qu’on ne le dit pas aux jeunes. On ne les accompagne pas. Pour ceux qui n’ont pas eu la possibilité d’acquérir ces compétences ou un premier job, on ne leur donne pas de seconde chance. Aujourd’hui on peut avoir un Bac+3 ou un Bac+5 et ne pas être recruté sur un poste qui serait à la hauteur de nos compétences. On ne laisse pas aux jeunes la possibilité de démontrer leur valeur parce qu’il y a un problème de fluidité dans le marché du travail.
En tant que jeune de France aujourd’hui, que penses-tu du phénomène d’expatriation ? ( 23.9% d’expatriation chez les jeunes diplômés de France). As-tu déjà pensé à t’expatrier ? Si oui, pour quel pays en particulier ? Si non, pourquoi ?
Oui j’aurais pu au début de ma carrière professionnelle puisque je travaillais dans un grand groupe, puis dans un cabinet de conseil où il y avait des perspectives à l’étranger. Je n’ai pas de soucis par rapport à ça, la réalité c’est que ce sont surtout les diplômés du supérieur avec des formations qui le permettent qui sont les plus concernés par l’expatriation, ça reste une minorité. La question de l’expatriation, c’est qu’elle n’est pas “ad vitam aeternam”. Souvent certaines personnes partent 5 ans et reviennent travailler en France, ce sont plutôt des aller-retours et des échanges. Ce qui est problématique, c’est qu’on utilise le terme d’expatriation pour les Européens qui vont à l’étranger et on utilise celui d’immigration pour ceux qui viennent travailler en France. Il y a aussi des Français qui choisissent d’immigrer dans d’autres pays, tout simplement parce qu’ils veulent travailler ailleurs.
Donc l’expatriation est une réalité qui n’est pas majoritaire mais surtout qui n’est pas ouverte à tout le monde. Par contre il faut encourager la mobilité des jeunes y compris dans leurs études et en Europe en premier lieu
⅔ des écoliers de maternelle exerceront un métier qui n’existe pas encore aujourd’hui.
Chief freelance, Responsable RSE, Happiness Officer. En connais-tu ?
Oui oui, mais la vraie question c’est comment anticiper tout ça ? Est-ce qu’aujourd’hui, ceux qui sont sur les postes de décision (partenaires sociaux, DRH, actionnaires) pensent à l’avenir de leur entreprise et à la reconversion des métiers ? On découvre aujourd’hui qu’on a la banque en ligne qui est arrivée et qu’on a besoin de moins de personnes dans les guichets. Du coup il y a des personnes mises sur le carreau.